From : la Moufle
J’ai peur des requins, du vide et des esprits frappeurs. Voilà la version officielle.
Mais en vrai et plus que tout, j’ai peur de l’Ennui, et je le mets avec une majuscule et en gras pour que vous sentiez la portée phobique que m’inspire ce bâtard de sa mère la pouffiasse.
Oui, j’ai peur de l’Ennui, cette chose informe et infâme, cet air poisseux qui vous entoure de ses bras mélancoliques et vous étouffe tel un boa constrictor, vous ôte toute combativité, toute réactivité, toute envie, tout désir et toute vie, ce mot maudit sur lequel on pose une définition simplette et fleurie, ce mot que l’on balance à tout va entre un « j’ai faim » et un « j’suis fatigué ».
En fait, j’aurais plutôt tendance à dire l’Ennui, tout comme Meetic, est la dernière étape avant la mort cérébrale : si on s’ennuie, notre corps se fait mou et lourd, notre cerveau lent et inerte, notre volonté se fait la malle à Tahiti. Alors plus rien ne nous fait réagir : prenons un exemple simple, imaginons un éléphant rose à porte-jarretelles passant devant la fenêtre d’un individu lambda se faisant profondément chier : l’individu lambda le regarde, veut réagir puis se dit « A quoi bon ? » et retourne à son ennui. Prenons si vous voulez un exemple plus frappant : Berlusconi s’ennuie, une Barbie humaine passe devant sa fenêtre, il se détourne et se dit « A quoi bon ? ». Si maintenant vous ne comprenez pas le flippant de la chose, je ne sais plus quoi faire.
Qu’est ce qui fait plus peur que ça ? Qu’est ce qui pourrait être pire que cet état léthargique qui vous transforme en moule amorphe et vous fait baisser les bras à l’avance ? Qu’est ce que c’est que ce renoncement ultime, cet abandon total, cette perte de joie, cet état zombiesque ?
l’Ennui, tel une plante carnivore, vous attrape, vous englue et vous tue à petit feu. Parfois il ne s’attarde pas trop, mais des fois l’Ennui est tenace, il squatte votre vie et aspire tout autour de lui, vous n’avez alors même plus la force de vous lever de votre lit pour aller chercher des Chocapics.
Voilà pourquoi je voue un culte à Virgin Suicides, parce que c’est une véritable mise en scène de l’Ennui. C’est presque magique à quel point ce film respire le blues. Des adolescentes voudraient être des gamines sans cervelle, on leur demande d’être sérieuses et respectables, elles choisissent la mort. C’est un peu court, un peu trash et un peu facile comme résumé mais point. Quand on regarde ce film on est peu à peu atteint par une sensation de malaise : au milieu des couleurs pâles, des chevelures blondes et de la bande son tranquille de Air il y a une note discordante, une odeur nauséabonde qui ne nous lache pas mais qui nous est malgré tout familière.
C’est cette même idée dans American Beauty : des gens sans histoire, sans problème d’argent, sans passé, un décor sans tâches. Mais une ambiance de cimetière, parce que dans cette mascarade gentille et politiquement correcte, chacun s’emmerde. Heureusement Kevin Spacey envoie tout bouler, s’achète une belle voiture, plaque son travail de robot, se remet au sport, au joint, au fantasme adolescent, c’est beau comme tout.
En conclusion je dirais que Dora est certes ridicule mais elle a pas l’air de se faire chier.